La quête de l'eau à Recloses

Le dictionnaire topographique du département de Seine et Marne, publié en 1821, recense les communes du département par ordre alphabétique. Il donne de chacune une brève description et présente leurs principales caractéristiques.

Voici ce qu’il indique pour Recloses : « Il est à remarquer que les « habitans » (du village) ne peuvent se procurer l’eau pour leur usage personnel, que par un puits qui est à un quart de lieue du centre du village ». Un quart de lieue équivalant à environ un kilomètre, on comprend que l’auteur du dictionnaire, Charles Oudiette, fait référence à l’approvisionnement du village en eau du puits, situé dans la Vallée, par le « chemin de Recloses au puits » (qui mène à la rue Sainte-Reine) ainsi que par celui de « la Vieille montagne » (qui grimpe jusqu’à la place du Pilori). Dans les deux cas la distance à parcourir est en fait d’un peu plus de 700 mètres. On peut imaginer que l'eau était transportée dans des seaux, à dos d’âne ou de cheval ou bien encore dans des charettes. C’est pourquoi, à partir du puits en remontant le « chemin de Recloses au puits », le chemin est carrossable et pavé sur une partie de son parcours.

Ce faisant l’auteur oublie de mentionner que le village était aussi littéralement « irrigué » par tout un réseau de chemins et sentiers qui remontaient du puits à la rue des Canches : le « chemin du bourg au puits », le « sentier du puits », le « chemin des canches au puits »… A cet endroit-là, la distance entre le puits et la rue des Canches n'est plus que d'environ 350 mètres, ce qui conduit à une réduction de moitié de la distance à parcourir par rapport au "chemin de Recloses au puits". Cet avantage est toutefois compensé par le fait que les chemins et sentiers concernés sont très escarpés ; ils ont visiblement dû être en partie aménagés pour les rendre à peu près praticables à pied, grâce en particulier à la réalisation de grandes marches en bois.

On imagine donc que la "corvée d’eau" n’était pas une partie de plaisir à l'époque et que la construction, en 1899, du premier château d’eau permettant la distribution de l'eau courante dans les maisons fut une délivrance ! Le Père Filâtre, dans son Histoire de Recloses, note ceci : "En septembre 1899, losque l'eau courante fut distribuée dans le village, les reclosiens eurent vraiment l'impression que le temps de la galère et de l'économie d'eau puisée au seau, était enfin révolu".

Il existait heureusement une autre source d’eau à Recloses : « les mares des canches » ainsi décrite par Maxime Formont dans sa nouvelle intitulée «  la Dame de Recloses » (cf l’Introduction de ce Blog) : « Il ne ressemble point aux autres, ce lavoir de Recloses, situé au sommet de la montagne. Des roches de grès spongieux y gardent longtemps l’eau de pluie dans leurs cavités : il se forme ainsi une multitude de petits bassins qui ne tarissent que dans la grande sécheresse, et dont les paysannes doivent se contenter pour y laver le linge rude des ménages ».

Enfin il existe une troisième source d’eau à Recloses qui mériterait une étude plus approfondie : les citernes d’eau de pluie.  C’est à mon avis une caractéristique majeure des maisons de Recloses qui permettait de pallier l’absence de puits individuels. 

Pour finir, je voudrais évoquer ce qui est à mes yeux une conséquence directe de cette « quête de l’eau » à Recloses au fil des siècles. En menant mes recherches sur le repeuplement de Recloses à la fin de la Guerre de Cent Ans j’ai été frappé par le fait que la plupart des familles qui ont reconstruit le village au XVIème s’étaient installées sur le chemin de Bourron dont une partie devint plus tard l’actuelle rue des Canches… J’ai finalement compris que cette localisation était en fait dictée par la présence de l’eau, celle du puits en contre-bas ainsi que celle des canches et de leurs mares…

A suivre...